Accueillir est LA mission des professionnels de l’enfance
Qu’ils exercent seul, à leur domicile, en équipe en relais maternel, ou encore en établissement d’accueil de jeune enfant, les professionnels de la petite enfance quelque soit leur diplôme, se retrouvent autour de cette valeur fondamentale. Explications de Catherine Lefèvre, présidente du jury des Girafs Awards.
Accueillir l’enfant, et sa famille, inconditionnellement, avec bientraitance, dans le respect de leurs besoins et de leurs individualités. Ouvrir les portes de « l’établissement », aller à la rencontre d’une histoire de vie, accepter avec empathie les informations partagées, et construire pas à pas une relation de confiance.
Si la société porte un discours clair et résolument inclusif, sur l’importance, dès la toute petite enfance, de l’accueil des enfants en situation de handicap en collectivité : pour les enfants concernés, leur famille, et les autres enfants accueillis ; Les projets individuels qui en résultent, ont jusqu’à, très récemment, été porté avec intuition, et bienveillance, mais sans que les rôles et les missions de chaque professionnel ne soient véritablement défini.
Le décret Norma, du 30 aout 2021 a permis de voir émerger un nouveau poste en EAJE, celui de référent santé accueil inclusif (RSAI) dont la mission est d’accompagner ces enfants et leur famille, et de soutenir l’équipe tant sur les axes administratifs que pédagogique de l’accueil.
Le sujet reste de taille : Le RSAI peut-il, doit-il être le seul à porter cette mission d’inclusion ? Les professionnels s’entendent pour décrire combien le projet d’accueil inclusion doit être pensé et anticipé en équipe. Accueillir un enfant, qui plus est, un enfant présentant des spécificités, doit faire l’objet d’un projet d’équipe, où chacun jouera un rôle important et complémentaire.
L’accueil des enfants à besoins spécifiques gagne du terrain, mais les difficultés sont encore nombreuses.
Un des premiers écueils concerne les familles : Certaines familles concernées ne savent encore pas suffisamment, et/ ou n’osent faire la démarche d’inscription, de peur d’essuyer un refus ; D’autres préfèrent ne pas aborder le sujet et attendre que le dossier administratif ait été validé pour oser aborder les difficultés de leur enfant ; Il en existe, aussi qui s’excusent presque et argumentent en parlant d’accueil à temps partiel pour soutirer la validation de leur inscription. Il est important, d’agir et de faire savoir que l’accueil des enfants, de tous les enfants est un droit, comme le rappelle la charte nationale d’accueil du jeune enfant (23 septembre 2021). Les partenaires institutionnels doivent pouvoir bénéficier d’un réseau et d’une bonne visibilité sur le nombre de places qui pourraient bénéficier à ce public.
Faut-il penser à imposer un quota de « berceaux » par commune, qui serait réservé pour ces enfants ?
De part, le chemin de l’accompagnement du handicap, par les professionnels, commence par une appropriation et une compréhension des mécanismes de protection face à la différence, mécanismes propres à chacun.
La première étape consiste à développer la capacité à comprendre et se détacher de certaines peurs : la peur de ne pas savoir faire, de ne pas savoir comment parler avec les parents, de ne pas être suffisamment utile à cet enfant, de culpabiliser de ne pas donner plus… La liste des inquiétudes est longue.
Après cette période de sensibilisation et d’information, la formation des professionnels sera un axe dans lequel il sera indispensable d’investir, pour un accueil inclusif de qualité ; Formation à la gestion des émotions : les siennes et celles des autres, la formation à des gestes de soins spécifiques, la formation pour maîtriser et s’appuyer sur les potentialités et garder l’esprit capacitaire, ainsi que des formations spécifiques pour comprendre les difficultés liées à certaines pathologies et/ ou handicaps.
Un soutien d’intervenants : psychologue, psychomotricien, ergothérapeute ou éducateur spécialisé, qu’ils soient rattachés à la structure ou extérieur est ressourçant et formateur, car complémentaire pour la bonne mise en place du projet de vie, qui est défini lors de l’accueil. Ils sauront également être force de proposition pour réétudier l’aménagement de l’espace, et la mise à disposition des jouets. Ils savent orienter la recherche pour l’acquisition de matériel plus ergonomique pour l’enfant si cela est nécessaire.
Des partenariats se développent avec les institutions de soins et de « rééducation » :
Certains professionnels décident de mener certaines séances au sein de l’établissement d’accueil : ceci afin d’alléger les allées et venues de l’enfant, et la mobilisation des parents.
D’autres établissements feront le choix contraire : celui de préserver un espace-temps de toutes interférences de soin ou de rééducation paramédicale et thérapeutique. L’accompagnement par les référents santé accueil inclusion (RSAI) dans le cheminement d’un projet d’accueil devient précieux.
L’enfant en situation de handicap ou de maladie chronique, est avant tout UN ENFANT. L’accueil en collectivité lui permet d’être avec ses pairs, et de vivre les plaisirs et les frustrations du quotidien : une normalité, lui est offerte, précieuse.
Le nombre d’enfant en situation de handicap accueilli, en collectivité ne cesse d’augmenter et les équipes sont formées à la détection précoce de troubles et de retards de développement.
Les textes et lois ont permis cette inclusion. Cependant il est à noter une disparité dans la gestion des différentes pathologies et handicaps.
Les équipes se sont peu à peu familiarisées avec certains types de handicap. Les professionnels se montrent moins inquiets et moins démunis face à des handicaps sensoriels, moteurs et encore dans certaines maladies génétiques telle que la trisomie 21. La société a, ici, bien avancé dans ses représentations et inquiétudes.
Pour autant, nous retrouvons, aujourd’hui, les découragements qui existaient il y a quelques années, pour de nouveaux handicaps, ceux liés à des troubles neurodéveloppementaux de type troubles du spectre autistique.
Sont-ils plus nombreux, les troubles seraient-ils plus complexes à prendre en charge en collectivité, les formations sur ces handicaps sont-elles encore insuffisamment adaptées au contexte de la petite enfance ? Autant de pistes qu’il faut creuser.
Toujours est-il, qu’il est important de mettre à disposition des professionnels, des temps d’échanges et de paroles, où une réelle sensibilisation au sujet du handicap sera offerte, et où chacun pourra obtenir des informations justes en réponse à ses questions.
L’accueil du/ des handicaps dès la plus petite enfance est précurseur d’une société plus inclusive, où le regard et le rapport entre chacun change. Il n’est déjà plus le même qu’aujourd’hui.
Catherine Lefèvre, présidente du jury des Girafes Awards