Petite enfance et multilinguisme : nos bébés seraient-ils polyglottes ?  

Le multilinguisme est un sujet de plus en plus présent au sein des structures d’accueil des tout-petits. Comprendre et favoriser cette richesse linguistique est essentiel pour les professionnels de la petite enfance. La Semaine Nationale de la Petite Enfance s’est intéressée à cette question, réalisant avec Speakid, expert de l’éveil aux langues dès 1 an, une étude* sur le multilinguisme dans les structures d’accueil. Décryptage des pratiques et enjeux du multilinguisme dans les lieux d’accueil du jeune enfant. 

 Si 91,78% des professionnels interrogés pensent important de commencer à s’éveiller à une autre langue entre 0 et 2 ans, 79,45% n’ont pourtant pas encore mis en place véritablement d’atelier d’éveil aux langues. Quels sont les freins et les leviers d’action envisageables ? 

I– Le cerveau des bébés : capable de s’ouvrir à une autre langue ?

Les bébés sont naturellement doués pour l’apprentissage des langues : in utero, l’enfant distingue déjà plusieurs sons, et se montre capable de distinguer la musicalité propre aux différentes langues. Nawal Abboub, chercheuse en neurosciences et autrice de La puissance des bébés, stimuler leur cerveau dès le plus jeune âge (Fayard, 2022) montre que les bébés exposés aux langues accentuelles in utero sont plus réceptifs au multilinguisme dans leurs apprentissages.

L’enfant fonctionne par mimétisme dans les premiers mois : il va associer une langue et ses sonorités à une personne, pour communiquer et interagir. Ainsi, les bébés bilingues (exposés à 2 langues in utero et jusqu’à 7 mois) ont déjà assimilé les grammaires de leur langue et l’ordre des mots.

L’expression du vocabulaire dans les étapes de langage dans sa langue maternelle se fait ensuite de façon exponentielle : à 1 an l’enfant maîtrise et prononce 3 mots, à 18 mois, 20 mots, tandis qu’à 2 ans, il a assimilé plus de 200 mots !

II– Des avantages cognitifs et sociaux

A la question “Quels sont les bienfaits du multilinguisme dans la petite enfance”, 93,15% des interrogés placent en 1e position une meilleure ouverture sur le monde. Sur le plan social, les enfants exposés à plusieurs langues dès leur plus jeune âge développent une ouverture d’esprit et une meilleure compréhension des cultures différentes. Cela favorise l’empathie et les compétences sociales. En outre, parler plusieurs langues peut renforcer les liens familiaux et communautaires, en permettant aux enfants de communiquer avec un plus large cercle de proches.

Ensuite, 83,6% mettent en 2e position le renforcement du développement cognitif. En effet, les enfants multilingues développent une meilleure flexibilité cognitive, c’est-à-dire la capacité de passer d’une tâche à l’autre avec plus d’aisance, et une meilleure aisance en résolution de problèmes. Ils montrent également une sensibilité accrue aux nuances des sons et des structures grammaticales, ce qui peut faciliter l’apprentissage ultérieur d’autres langues.

Enfin, 69,86% pensent que le multilinguisme favorise le développement de la concentration et de la curiosité.

III– Quels formats privilégier ?

L’éveil artistique et culturel est un des leviers indispensables au développement de l’enfant. 95,92% des professionnels interrogés chantent et écoutent des comptines dans plusieurs langues, et 32,65% lisent ou font écouter des histoires dans plusieurs langues. Si le chant ou la lecture font partie des formats les plus courants et facilement utilisables, il existe une multiplicité d’activités à déployer : des jeux d’éveil, de motricité, des ateliers de musique ou d’arts plastiques. Certaines structures communiquent leurs informations aux parents dans plusieurs langues, d’autres souhaiteraient également mettre en place des séances café et accueil des parents dans leurs langues maternelles.

IV– Quels freins à l’apprentissage des langues en structure ?

Si 82,19% considèrent qu’il n’y a pas selon eux de frein au multilinguisme dans la petite enfance, la plupart des répondants peinent cependant à mettre en place de façon récurrente et organisée des actions concrètes sur ce sujet. En cause, la multiplicité des langues pratiquées : 72,61% des interrogés ont 4 langues maternelles et + parlées au sein de leur structure, parents compris. Face à cette multiplicité des langues, beaucoup avouent ne pas savoir comment choisir, quel support pédagogique utiliser, et confessent in fine un manque de temps pour se pencher sérieusement sur ce sujet. Ce qui les amène à regretter un manque de formation des professionnels et exprimer un besoin d’intervenants qualifiés.

Conclusion : Le multilinguisme est bien un atout pour la socialisation de l’enfant, la valorisation des professionnels, et la relation pro-enfant-famille. Ainsi, la formation continue des professionnels de la petite enfance sur le multilinguisme est essentielle pour comprendre les processus d’acquisition des langues, et identifier les meilleures pratiques pour soutenir les enfants multilingues pour un accompagnement adapté, riche et varié.

*étude menée du 22 mai au 12 juin 2024 sur Survey Monkey par la Semaine Nationale de la Petite Enfance auprès de professionnels de la petite enfance.

En collaboration avec SPEAKID

Pour en savoir plus :

https://www.famillelanguescultures.com
https://youtu.be/CRxUWsw4epg : podcast VLAN! : Neurosciences, la puissance des bébés avec Nawal Abboub
https://www.fayard.fr/livre/la-puissance-des-bebes-9782213722306
Ministère de la Culture : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/education-artistique-et-culturelle/L-Eveil-artistique-et-culturel-des-jeunes-enfants?limit=20
Speakid