
Le plaisir de parler
Pour parler du langage, nous avons dialogué avec Flora Dumoulin, psychologue du développement
et formatrice auprès des professionnels de la petite enfance. C’est elle qui a tout de suite évoqué le plaisir !
Le tout-petit est encouragé à parler lorsque plusieurs conditions se trouvent réunies. L’attachement d’abord : le dialogue s’instaure plus
naturellement si l’enfant a confiance dans la disponibilité de l’adulte qui est sa figure d’attachement et si l’adulte considère l’enfant comme un être à part entière.
La diversité des milieux dans lesquels le tout-petit grandit est aussi un facteur essentiel. Car l’enfant « sur-protégé », qui n’a qu’une figure d’attachement et une vie sociale pauvre est moins autonome, met moins de distanciation entre lui et le monde.
Le besoin de parler se fait moins sentir, puisque l’adulte est là, et anticipe ses besoins. Un adulte trop présent, qui répond aux moindres désirs du tout- petit sans délai, éteint toute frustration chez l’enfant et donc tout besoin de s’exprimer, d’affirmer sa personnalité et de se faire entendre : pour réclamer, contester, approuver…
Ensuite, pour que l’enfant commence à parler, il doit prendre conscience de lui-même, du rôle actif qu’il peut jouer dans le dialogue. Cette conscience vient avec la motricité et le regard de l’adulte, sa manière de considérer le tout-petit. La motricité d’abord : Flora Dumoulin
nous explique qu’à chaque progrès moteur du tout-petit, l’enfant développe sa conscience de lui-même et des autres.
La distance qu’il découvre entre lui et les autres l’incite à parler. Puisque maman est dans la cuisine et qu’elle ne vient pas tout de suite me prendre dans ses bras, je vais l’appeler.

Les mots de Flora Dumoulin : « L’enfant construit sa conscience de soi lentement, à travers un grand nombre d’expériences, notamment corporelles répétées quotidiennement (…) Cette perspective laisse à penser que les grandes étapes du développement moteur constituent une immense avancée dans le processus d’individuation. Commencer à s’assoir, à se déplacer, à se mettre debout, à marcher, c’est redécouvrir son environnement tout en se redécouvrant soi-même sous d’autres perspectives, avec de nouvelles compétences, de nouvelles sensations et intentions.
Le mouvement peut donc être considéré comme source de conscience ou connaissance de soi ». Le mouvement pousse le tout-petit à parler.
Un environnement favorable à l’émer- gence de la parole implique une certaine posture de l’adulte. Celui-ci se doit de s’adresser au tout-petit comme à un interlocuteur. Il ne s’agit pas là de
bavardage ou de bruit de fond, mais d’un dialogue qui fait comprendre à l’enfant qu’on attend de lui une réponse, qu’il est là dans une relation.
L’enfant apprend à parler quand on lui a fait comprendre qu’il avait son mot à dire. Car en s’adressant à l’enfant comme à un être entier, on encourage sa prise de conscience de sa personnalité. Plutôt que de parler à tort et à travers, il convient de dialoguer avec lui et d’employer le tu.
« Dialoguer avec lui, même lorsqu’il n’a pas encore les mots, l’aide à se penser comme acteur de l’échange verbal » dit encore Flora Dumoulin.
Le grand moteur du langage, le plaisir, voire le rire.
Lorsque le tout-petit voit ses copains rire à la lecture d’une histoire par exemple, il a envie de rire lui aussi et d’utiliser le langage pour faire rire.
L’enfant ne se met pas à parler pour faire comme l’adulte mais plutôt parce qu’il y voit un intérêt. Celui de rire par exemple, mais aussi celui de se faire comprendre ou d’exprimer ses émotions.
Donc en général, l’enfant parle avec plaisir.