
La ville et l’enfant
Agir pour la Petite Enfance a l’habitude de rentrer dans les crèches. Aujourd’hui, elle entre dans la ville, observe, est interloquée par la place faite à l’enfant dans la rue, sur les trottoirs, dans les écoles, les squares… Agir se lance dans une réflexion avec l’ambition de changer les choses !
Imaginons-nous une ville ou un village sans enfants ? Sans babillage, poussettes, bébé au sein, toboggan dans les squares, sans cris, sans pleurs ? Une cité sans avenir. La cité est le lieu de vie de la majorité des êtres humains aujourd’hui. Elle les accueille tous, grands, petits, âgés, malades, gentils, hargneux, violents, rêveurs… Et les enfants ? Jusqu’à présent, les enfants suivent leurs parents, dans les voitures, dans le métro, sur les trottoirs, à l’épicerie, sur le chemin de l’école. Ils s’adaptent aux feux, à la foule, aux portes des magasins, aux klaxons.
Ils se plient au monde des grands, ou se déplient lorsqu’il faut apercevoir la couleur du feu là-bas derrière les arbres avant de traverser. Ils se glissent dans le monde des adultes en contenant leurs élans, en limitant leur liberté.
Agir pour la Petit Enfance, qui depuis 10 ans fait entrer les plus grands dans les lieux d’accueil des plus petits, fête ses 10 ans et se rend compte que la ville ne se fatigue pas trop pour que les enfants de plus ou moins 10 ans y trouvent leur place.
Pourtant des enfants de 1 jour à 15 ans, ilyenatouteunefouleenville!Dela poussette à la trottinette en passant par le vélo, le groupe d’ados, les amoureux dans le métro, ils sont bien là. Ils se frayent un chemin parmi les grands. Tantôt discrets, tantôt provocateurs.
Quelle place leur faisons-nous dans nos villes animées ?
Agir pour la Petite Enfance souhaite se fixer un objectif, utopique peut-être, ça se gâche rien : que la ville soit aussi celle des enfants, pour les enfants, avec les enfants, que la ville voit les enfants jouer leur rôle de citoyen. En 10 ans, l’association a réussi à faire entrer les parents dans les lieux d’accueil de la petite enfance, elle a ouvert des portes, il est temps de considérer les enfants comme citoyens dans leur ville et leur village et donc de leur construire des cités où ils feront éclore leurs mille capacités, où ils se feront entendre.
Les villes peuvent devenir des espaces de liberté pour les enfants, des lieux de vie pour toutes les générations. Car une ville dans laquelle les enfants vivent bien est une ville
qui accueille aussi les personnes âgées, les handicapés, les plus lents, les plus petits, les différents.
Nos villes ressemblent trop à des lieux dans lesquels nous n’avons qu’à nous faufiler maladroitement, qui nous obligent à nous baisser, à nous dépêcher, à crier par-dessus le brouhaha. Alors que si nous faisions la ville à notre image, nous y serions bien. Une ville qui pense aux enfants, qui les accueille, est une ville ouverte à tout le monde.
Agir pour la Petite Enfance se lance dans ce chantier, sujet de réflexion et d’action. L’association a créé un groupe de travail autour de la place de l’enfant dans les villes. Composé d’experts de la petite enfance, d’architecte, de médiatrice artistique, de journalistes, de graphiste, il se réunit régulièrement depuis l’automne.
Il faudra réveiller les pouvoirs publics, convaincre, veiller à ce que les mots portent des actions concrètes. Il faudra réfléchir à l’architecture, à l’urbanisme, à la pédagogie, à la philosophie…
La ville qui segmente, un square pour les tout-petits, un jardin pour les personnes âgées, un café pour les jeunes adultes avec leurs ordinateurs, est une ville morne, fatiguée, fatigante, stérile. Alors qu’une ville qui voit le pompier parler à un enfant, un vigile de supermarché s’adresser à un ado, un grand-père traverser un square remplis de petits, une ville qu’un enfant traverse pour aller à l’école, est une ville aimable, belle, optimiste.