Plein air, le bonheur
En Scandinavie, au Maroc, en Italie, en Espagne, en Angleterre… de nombreux lieux d’accueil de la petite enfance bénéficient d’un espace extérieur pour les enfants. En France, il n’existe que cinq haltes-garderies plein air et une semi plein air. Pourquoi ? Pour Valérie Roy, spécialiste du sujet, « les bénéfices sont pourtant immédiats ».
Valérie Roy a d’abord été éducatrice de jeunes enfants, dans une crèche puis une halte-garderie. Elle n’y était pas heureuse. Un jour, on lui propose un poste de responsable d’une crèche associative : « Vous verrez, c’est plein air », lui dit-on. Valérie est étonnée par cette nouvelle et ne devine pas encore ce que cela va provoquer en elle. Elle accepte et se retrouve responsable d’une halte-garderie à Paris, « Le Petit Jardin », avec vingt-six enfants et une grande pelouse.
« J’ai vu, j’ai été charmée », nous déclare-t-elle aujourd’hui. Le choc est de taille : « Je me suis transformée ! » Elle voit des enfants heureux, qui rigolent, s’expriment. « On passe peut-être à côté de quelque chose », se dit-elle. En plus, des parents d’origine étrangère lui racontent qu’ailleurs, au Maroc, en Angleterre…, les petits passent une grande partie de la journée dehors, dans les jardins.
Valérie est bouleversée, elle se remet en question comme éducatrice, et décide, histoire d’en avoir le cœur net, de reprendre des études. Elle s’inscrit à Paris 8, commence un Master de recherche en sciences de l’éducation et centre son étude sur « Le Petit Jardin ». Il s’agit de vérifier les impacts du semi plein air sur le développement et l’accompagnement des jeunes enfants de douze mois à trois ans.
Depuis son poste d’observation privilégié, Valérie Roy récolte une somme de résultats éloquents. Et elle assiste à des instants de communication des enfants avec la nature, lorsque des tout-petits, pendant trois, quatre minutes, vivent une émotion forte avec de la terre humide ou de l’eau de pluie. « Ils le font discrètement, souvent quand l’adulte n’y prête pas attention. Sans doute parce que l’émotion est forte, ils quittent l’espace de la réalité pour communiquer avec la nature. »
L’enfant se saisit de cette nature, invente des jeux. Dans un jardin, avec de l’herbe, de l’écorce, il fait des gestes très fins, il développe sa motricité fine : « Il faut voir comment ils décortiquent des feuilles d’automne ! » s’enthousiasme Valérie.
À la (re)découverte du plein air
« L’avantage de l’élément naturel, poursuit Valérie Roy, c’est que c’est un élément vivant, il peut donc y avoir un échange. » Les enfants, à qui l’on demande pourquoi ils préfèrent être dehors, parlent avant tout de la nature : « Parce que dehors, le vent souffle », répond l’un d’eux.
Dehors, constate encore Valérie, les enfants sont plus libres, ils jouent avec tout leur corps, ils développent davantage de jeux de coopération.
Si la nature peut être une si grande amie des enfants, pourquoi gardons-nous les tout-petits si loin d’elle ? Historiquement, les enfants de l’entre-deux-guerres étaient nombreux à souffrir de la tuberculose. Comme remède, on avait trouvé l’héliothérapie : on soignait les enfants par l’air libre, par le soleil. Partout en Europe et même aux États-Unis, on voyait des enfants en short, torse nu, qui prenaient le soleil pour guérir de la tuberculose.
Le pli était pris, les enfants sains aussi ont été mis au grand air, excepté en France, où, une fois trouvé un remède contre la tuberculose, on a rentré les enfants. Aujourd’hui, on parle de « troubles du déficit de la nature » pour des enfants qui manquent de plein air. N’est-il pas temps d’offrir la nature aux enfants ?