C’est en ces termes que Vincent Cuzin introduit le sujet de l’aménagement de l’espace pour les tout-petits. Marie Miquel travaille aussi la question, en concevant des espaces adaptés aux tout-petits. Tous deux d’art appliqué et de design d’espace, ils nous expliquent comment imaginer des lieux qui favorisent l’apprentissage des enfants.

La postulat ressemble à une évidence : l’environnement du tout petit contribue à son développement. Déjà pour nous, les adultes, l’endroit où nous nous trouvons, influence nos actions, nos humeurs. Pour les tout-petits, dont le cerveau immature a tant à faire, tant à explorer, toucher, sentir, pour se développer, l’environnement dans lequel il évolue est d’autant plus déterminant.

Marie Miquel parle d’harmonie, parce que c’est dans une ambiance harmonieuse que les enfants se sentent bien, en sécurité. Il faut pour cela que les fenêtres leur permettent de voir le ciel, que les plafonds ne culminent pas à 4 mètres, des jeux de matières ou de couleurs peuvent à cet égard diminuer la sensation de hauteur. Marie Miquel préfère les couleurs douces pour l’aménagement des crèches, les jouets et le mobilier étant souvent de couleurs vives. La lumière change profondément la perception que l’on a d’un espace, ainsi pour les enfants, elle choisit toujours des lumières indirectes ou des lampes avec diffuseurs de lumière.

L’architecte parle aussi de créativité : avec des formes abstraites, à l’usage indéfini, objets ou mobilier, les enfants ont une plus grande liberté d’utilisation et d’appropriation. Certes, même une girafe dans la main d’un tout-petit peut devenir une maman ou un avion, mais un triangle ouvre encore plus le champ des possibles. Finalement, plus on fait simple, plus on permet à l’enfant de s’approprier le lieu, de s’inventer une géographie qui lui convienne.

Les architectes parlent tous deux d’autonomie : la disposition des éléments détermine la manière dont les enfants se déplacent. Marie Miquel comme Vincent Cuzin pensent bien sûr à Maria Montessori. La première cite les étagères basses et ouvertes dans lesquelles les enfants choisissent un jeu, s’en saisissent seuls, le reposent. Le second cite lui les petits tapis rangés dans un coin, que les enfants peuvent sortir pour s’installer au sol, qui présentent un cadre, mais permettent aux enfants de trouver eux-mêmes la posture qui leur convient pour jouer.

Enfin, l’aménagement de l’espace favorise ou non la rencontre des enfants, leur socialisation. Marie Miquel a imaginé des jeux pédagogiques comme ces niches dans lesquelles des jouets sont rangés et où l’enfant peut s’isoler, se sentir en sécurité, tout en choisissant tel ou tel jeu. Des trous entre les niches permettent aux enfants de se passer des balles ou de se regarder.
Antoine Leygonie, avec qui elle a travaillé au sein de l’agence Architecte Antoine, a lui inventé des « harpes sensorielles » qui proposent aux tout-petits de se réfugier, seul ou à deux, entre des murs transparents, de s’y balader, d’y jouer etc. Autant de recoins qui offrent la possibilité de se réfugier loin des autres ou d’interagir entre enfants.

Un espace harmonieux est sécurisant et favorise les échanges. Un espace peut être pensé pour être favorable à la motricité, aux interactions, à l’observation et à l’exploration. Pourvu que l’on s’en soucie, on peut offrir un lieu aux tout-petits qui les fassent grandir sereinement.

Encadré :
« Itinérance Ludique© à Strasbourg »

Au multi-accueil de Cronenbourg à Strasbourg, le projet pédagogique veut voir les enfants circuler librement. Le but est de les inciter à bouger, à explorer et à rencontrer les enfants des autres sections.
Cela vous rappelle peut-être quelque chose ? Une pédagogie en plein boom, développée par une professionnelle de la petite enfance, convaincue que l’aventure est le propre du tout-petit. Nous parlons bien de cela : l’Itinérance Ludique© de Laurence Rameau !

Laurence Rameau explique que le petit a besoin d’attachement et d’aventure, de sérénité et d’exploration. Ça ressemble à un va et vient, entre le calme et la tempête : on s’aventure à condition d’avoir assuré ses arrières. L’Itinérance Ludique©, pédagogie élaborée par Laurence Rameau s’appuie sur 3 grands principes : la libre circulation des enfants dans la crèche, la création d’univers ludiques et l’enfant auteur de son jeu.

Au multi-accueil de Cronenbourg, on a un beau couloir qui dessert les 3 sections. Une aubaine pour mettre en place cette itinérance. Aurélie Hector, psychomotricienne dans la structure, est là pour proposer des aménagements. Le couloir est alors éclairé, vidé, offert aux tout-petits comme une invitation au voyage. Elle propose des horaires pour tester la déambulation : 9h30, et après le goûter.
L’équipe constate rapidement que les enfants, répartis en sections d’âges mélangés, aiment se lancer dans le couloir à la rencontre de copains du même âge, qu’en gardant les mêmes horaires, les enfants s’habituent et attendent l’heure de l’Itinérance comme l’heure de la grande décharge motrice !
Après observation des enfants, Aurélie Hector souhaite monter un espace doux dans l’esprit Snoezelen, qui offrira aux enfants une soupape, un moyen de casser le rythme imposé par le collectif, pour se détendre, pour une exploration motrice calme.

Tout psychomotricien vous le dira, la motricité est un vecteur de connaissance et un moyen d’expression. Un argument pour choisir de la libérer.

Lire : L’Itinérance Ludique, Laurence Rameau, Dunod, 2017.
www.itineranceludique.e-monsite.com

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