
L’enthousiasme suisse pour l’art dès le plus jeune âge
Cette année, la Suisse a attiré notre attention, Lapurla en particulier, à qui nous décernons le Prix international des Girafes Awards 2021. Lapurla, qui phonétiquement évoque « l’art pour l’art », est une initiative suisse qui s’est donnée pour ambition de rendre réel l’éveil artistique et la participation culturelle des tout-petits.
Petite histoire
Au départ, il y a un texte de référence conçu par la commission suisse pour l’Unesco et le Réseau suisse pour l’accueil extrafamilial. On y lit que « Pendant les premières années de leur vie, les enfants apprennent par l’action, la coopération et le dialogue avec d’autres personnes. Leur intellect n’apprend pas seul mais en même temps que leurs corps, leurs émotions et leurs sens. » On est en 2012. Puis, la Haute École des arts de Berne, sous la gouverne de Karin Kraus, s’est intéressée au sujet et a publié la brochure « Éveil esthétique et participation culturelle dès le plus jeune âge ». On est en 2017. Enfin, « Lapurla – Les enfants explorent » naît pour mettre en application ce que ces textes préconisent. Lancée à l’initiative du Pour-cent culturel Migros et de la Haute École des arts de Berne, co-dirigée par Jessica Schnelle et Karin Kraus, depuis 2 ans, Lapurla accompagne des projets pilotes exemplaires. Voyons quelles sont ces idées si réjouissantes et observons ce qui se fait sur le terrain, en Suisse.
Les idées
Petit artiste
Le petit enfant s’approprie le monde par le biais de ses 5 sens, il l’expérimente de mille façons. C’est en soi un geste artistique pur car l’artiste aussi explore toutes les possibilités offertes par un objet et aime l’utiliser de manière détournée. Le petit enfant qui grandit est comme l’artiste qui crée.
Les activités artistiques sont riches d’enseignement pour les tout- petits. Il faut donc jouer, et vite, sur l’environnement dans lequel l’enfant se développe pour que celui-ci l’incite à créer et à s’exprimer par l’art. Si le tout-petit a besoin de l’art pour grandir, il faut lui permettre de s’adonner à cette activité et l’y encourager !

Grands artistes
Les adultes en premier doivent se montrer créatifs. Oublier la recherche d’un résultat pour se donner pleinement à l’activité même, au processus. Puis s’émerveiller devant ce qui advient par surprise.
« Cela exige de la part des adultes un minimum de sens critique vis-à- vis des stratégies habituelles (…) pour découvrir chaque jour de nouveaux chemins et explorer joyeusement le monde avec l’enfant. »
Voilà ce que dit le texte aux parents : émerveillez-vous devant les petits évènements du quotidien, mettez, vous aussi les mains dans la peinture, d’égal à égal avec votre enfant, vous l’entendrez mieux vous parler avec ses multiples langages…
Le texte de l’école de Berne parle beaucoup de CRÉATIVITÉ : « Pour développer sa créativité de manière optimale, il faut par principe être prêt à tout remettre en question. »
La créativité est comprise ici dans un sens très global, comme une manière d’être. A l’âge le plus jeune, la créativité est expressive, car l’enfant ne cherche aucun résultat, il joue et se réjouit de produire des effets inattendus.
La créativité, c’est la joie de la décou- verte. Oui, c’est ça, la créativité est « la capacité de penser de manière innovante, et de convertir cette pensée en action. » En étant créatif, l’enfant se montre capable de trouver une autre voie.
Il apprend à déterminer le cours de son existence et à résoudre les problèmes. C’est pourquoi « il convient de laisser l’enfant trouver par lui-même ses propres solutions créatives. »
Autre gros mot, L’ÉVEIL ESTHÉTIQUE : sachant que le mot esthétique vient
de aisthesis en grec ancien, qui signifie « perception sensorielle », « connaissance par le biais des sens », l’esthétique c’est tout ce qui anime les sens. C’est justement le quotidien d’un tout-petit.
Écoutez ça, tout y est : « Le monde dans lequel vivent les enfants, tout comme les adultes, n’est pas celui qui est, mais celui qu’ils se forgent à partir de leurs perceptions et qui, en tant que tels, se distinguent de tous les autres mondes. »
Les enfants manipulent le matériel esthétique avec curiosité, joie et soif de comprendre. Les choses qui adviennent sont en général inattendues : « il faut être attentif à ce qui surgit par hasard. En reconnaissant la valeur de ces effets secondaires non désirés, on incite l’enfant à persévérer. » C’est pour ça que les adultes doivent avoir une attitude valorisante : porter attention à l’aléatoire et l’accepter.
Pense-bête pour une expérience esthétique intelligente
Lorsque le tout-petit explore, ce qui l’intéresse est moins le résultat que l’expérience qu’il acquiert en manipulant un matériau, un objet ou une situation. Pour que sa liberté d’expression soit réelle, il faut que l’activité de l’enfant soit volontaire, que l’enfant soit motivé
par des raisons qui lui sont propres, qu’il se sente bien, en sécurité, qu’il ait le choix des matériaux, qu’il ait plaisir à s’adonner à cette activité et que les adultes l’encouragent.
Valoriser les créations du tout-petit, c’est aussi les exposer : organiser une exposition, jouer sur scène etc. En découvrant les différentes réponses apportées par les copains à une même question, les enfants apprennent à tolérer les contradictions : ce qui est autre, différent, m’enrichit et devient source d’inspiration.
Pour que l’environnement soit stimulant, il faut :
De l’espace…
Les lieux ont une influence sur les enfants, ils incitent à agir d’une certaine manière. En particulier, « la possibilité de transformer les espaces joue un rôle décisif : des équipements polyvalents et mobiles suscitent sans cesse de nouvelles manières de les utiliser. »
Un espace dégagé, chaleureux, lumineux, aéré et un petit nombre d’équipements, remplacés réguliè- rement ou combinés d’une nouvelle manière ouvrent plus de possibles. Les murs, le sol peuvent être proposés comme surface de travail. Les enfants doivent pouvoir accéder facilement aux matériaux. Il est conseillé de ménager des espaces calmes, pour récupérer, pour « être tranquille tout en étant présent. » Des zones d’observation permettent aux enfants de regarder leurs copains.
Et du temps
Des temps libres pour que les enfants puissent se plonger dans leurs activités sans être interrompus.
Encore un gros mot, la PARTICIPATION CULTURELLE, propose aux enfants d’aller rencontrer l’art quelque part et aux artistes d’aller rencontrer les enfants dans les différents lieux d’accueil. On pense à la notion
« d’éducation par la communauté. » L’idée est que les enfants sortent des espaces qui leur sont réservés, et que ces expériences soient quotidiennes et non pas exceptionnelles. Les enfants ont besoin de temps pour s’habituer à un nouveau lieu comme un musée ou un théâtre.
Pour approfondir cette question, parlons de Lapurla, qui justement permet aux enfants de 0 à 4 ans d’explorer les institutions culturelles. Lancée à Zurich puis en Suisse romande depuis 2020, l’entreprise soutient 12 projets exemplaires encore en phase d’expérimentation.