Hervé Tullet est un drôle d’auteur de livres pour enfants, un créateur qui donne matière à vivre les livres. Écoutez ce qu’il dit de la petite enfance et des livres qu’il met entre les mains des enfants.

A la différence des autres livres, les vôtres semblent inviter à vivre une expérience, à faire des découvertes. Est-ce ainsi que vous les concevez et comment s’y prennent vos livres pour ouvrir ainsi les lecteurs à la découverte ? 
Je conçois bien mes livres comme des expériences : à lire, à vivre, à partager, à inventer… Quant à la manière de toucher les enfants, de leur offrir un outil de découverte, j’ai ma théorie, que j’ai trouvé tout seul, c’est une conviction. Voilà : un bébé est quelqu’un qui a vécu des choses extraordinaires, il n’a pas compris grand chose mais il a regardé, écouté et connu une multitude de sensations. Il a tout vécu avec une grande intensité et l’enfant que devient le bébé s’en souvient encore un peu. Il est connecté à ce bébé qu’il a été. Et il peut encore avoir accès à ce monde de sensations si on lui en donne la possibilité. L’art est pour lui une porte vers ce monde jamais perdu.

Je vois donc le bébé comme le premier artiste. Il ne traduit pas en art, il est art.

Dans les livres, je cherche très souvent à parler à ce bébé-là, tout en sensations, ouvert aux possibles, cet être dépourvu d’idées préconçus, indemne de toute stratégie, un être dans l’intuition du moment. 

Peut-on dire que vous faîtes vivre des images abstraites ?
Alors pas du tout. Je ne vois rien d’abstrait : je vois un rond, il est petit, il grandit, il va là, il revient, il est vivant, il me parle. Il n’y a rien d’abstrait, c’est plein de sens, c’est vivant.
J’ai appris ça de « Petit bleu, petit jaune » de Leo Lionni où ces petits bouts de papiers déchirés devenaient des maisons, des chemins, des enfants, des parents, des pleurs…

Vos livres sont-ils traduits ?
Oui dans plusieurs langues. Et certains lecteurs lointains qui utilisent mes livres comme point de départ me font partager leurs expériences. C’est un dialogue permanent et très fort. 
En plus, je voyage beaucoup pour lire mes livres car je peux les lire partout, juste avec des sons, des gestes. Je peux lire, faire lire, faire réagir, jouer sans l’aide d’un traducteur, c’est une joie !

Ces voyages à l’étranger avec vos livres sans frontières sont-ils à l’origine de votre « expo idéale » que vous êtes en train de créer ?

En effet, j’ai voulu aller plus loin dans le dialogue entre ces lecteurs éloignés qui font quelque chose de personnel de mes livres et moi. J’ai petit à petit imaginé cette « expo idéale. » C’est une expo de moi, que l’on peut faire sans moi. Il y a une série de vidéos dans lesquelles j’explique comment s’y prendre. Pas besoin de savoir dessiner, il s’agit juste jouer avec des pinceaux et de la couleur, de la musique parfois : juste faire une expo.
Pour l’instant, il existe une page Facebook et bientôt un site Internet. C’est une véritable ambition !

En pratique

Sur l’expo idéale :
www.lexpoideale.com
https://www.facebook.com/lexpoideale/
https://www.instagram.com/expo_ideale_herve_tullet/
https://www.pinterest.ca/expo_ideale_herve_tullet/
Instagram : #expoideale 

Minuscule encadré :
Dans son dernier livre « J’ai une idée » (Bayard éditions), Hervé Tullet raconte la naissance d’une idée. Par petites touches colorées et avec quelques mots simples comme : « Oh une idée ! C’est différent, c’est pas pareil. »

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