
Janusz Korczak, une vie au nom des enfants
Encore trop méconnu, le parcours de Janusz Korczak force le respect à bien des égards. Exécuté au camp de Treblinka avec les enfants de son orphelinat en 1942, ce médecin et écrivain polonais a révolutionné la pédagogie de l’enfance.
Les enfants ne sont pas des personnes en devenir mais des personnes à part entière. » A elle seule, cette citation résume la pensée et le combat de Janusz Korczak. Médecin, éducateur, pédagogue, conférencier et écrivain polonais, il a consacré sa vie à défendre la cause des enfants avec comme fer de lance leur droit au respect et à l’amour. « Nous attribuons à nos pauvres années des degrés différents de maturité. A tort : il n’y a pas de hiérarchie au niveau de l’âge, comme il n’y a pas de graduation au niveau des sentiments, qu’il s’agisse de la douleur, de la joie, de l’espoir, de la déception », souligne-t-il dans « Le droit de l’enfant au respect », publié pour la première fois en 1929.
Né à Varsovie en 1878 ou 1879 (sa date de naissance n’a pas pu être déterminée avec exactitude), Janusz Korczak, de son vrai nom Henryk Goldszmit, a grandi dans un milieu aisé jusqu’à ce que son père soit interné à l’asile. Cet évènement conduit la famille Goldszmit à la ruine et Henrick, alors âgé de 11 ans, devient précepteur pour subvenir aux besoins de ses proches. Un premier pas vers la pédagogie et la transmission. Des préceptes qu’il gardera chevillés au corps tout au long de sa vie. Il se lance ensuite dans des études de médecine, avant d’être enrôlé comme médecin dans l’armée russe en guerre avec le Japon, à peine diplômé. A compter de 1904, celui qui s’est déjà choisi comme nom de plume Janusz Korczak se plonge dans le domaine de la psychologie de l’enfant. En parallèle de ses activités de médecin, de conférencier et d’enseignant, il prend également la tête de colonies de vacances pour les enfants pauvres.
La République des enfants
Marqué par les atrocités humaines et la misère sociale, cet homme de terrain participe au début du XXe siècle, avec ses pairs de l’époque, à inventer de nouvelles formes d’éducation.
Au sein des deux orphelinats qu’il fonde, le passionné instaure un système d’autogestion démocratique baptisé « La République des enfants ». Chaque établissement dispose ainsi d’un Parlement des enfants, avec un pouvoir législatif et décisionnaire sur la vie quotidienne, et d’un tribunal d’arbitrage.
La cour du tribunal est composée de cinq juges tirés au sort parmi les jeunes n’étant pas impliqués dans les affaires de la semaine précédente et d’un adulte remplissant le rôle de greffier. Ce dispositif permettait alors à l’enfant de (peut-être) passer du statut de juge à celui de plaignant ou de victime.
Parmi les autres outils korczakiens : la boîte aux lettres. Un objet en libre accès pouvant recueillir les demandes, les plaintes et les suggestions des jeunes… par écrit. Et c’est là toute la subtilité de l’outil. Le fait de poser noir sur blanc ses états d’âme impliquait de prendre de la distance avec sa requête et d’accepter également que la réponse puisse prendre du temps.
« Nouvelle vague »
Impossible de parler de Janusz Korczak sans mentionner qu’il s’agissait d’un écrivain prolifique. A travers ses essais, ses romans, ses articles, ses poèmes et ses pièces de théâtre, il s’adressait tantôt aux adultes tantôt aux enfants. Dans la presse, il s’engageait fermement pour plus de justice sociale et égratignait le pouvoir en place.
Dans ses romans jeunesse, il adoptait un ton plus enveloppant, sans pour autant édulcorer la réalité du monde. Le plus célèbre d’entre eux, « Le roi Mathias Ier », apporte par exemple aux jeunes lectrices et lecteurs un éclairage sur les conflits politiques et le fonctionnement d’une démocratie. Lorsque l’antisémitisme monte en Pologne et que Janusz Korczak se retrouve licencié de la radio au sein de laquelle il animait une émission à succès, « Les causeries du vieux docteur », ses collègues rappellent haut et fort sa faculté à « parler aux enfants comme s’ils étaient des adultes et aux adultes comme s’ils étaient des enfants ».
Son engagement sans faille le rend rapidement célèbre en Pologne, mais c’est son choix délibéré d’être déporté au camp d’extermination de Treblinka avec les enfants de l’orphelinat dont il a la charge qui l’érige au rang de héros. Aujourd’hui, son nom ne vous évoque peut-être rien, mais l’héritage qu’il laisse derrière lui est certain. Ses écrits précurseurs ont notamment permis de poser les premières briques de la convention des Nations Unies relatives aux droits de l’enfant, ratifiée par 196 pays à la fin des années 80.
Il y aurait tant à dire encore sur ce personnage historique en déficit de notoriété. Deux pages ne suffisent pas ! Tentons alors de conclure avec une autre de ses citations : « Comme une nouvelle vague, une jeune génération est en train de monter. Ses enfants arrivent avec leurs défauts et leurs qualités : créez-leur des conditions pour qu’ils puissent devenir meilleurs. »
Janusz Korczak en dix dates clés :
1878 ou 1879 : Naissance de Janusz Korczak à Varsovie. 1901 : Il écrit son premier livre « Les enfants de la rue ».
1905 : Il obtient son diplôme de médecine, après des études à l’Université de Varsovie, et est enrôlé dans l’armée russe
en guerre contre le Japon.
1906 : Revenu de la guerre, il travaille dans un hôpital pour enfants pauvres de Varsovie et exerce dans un cabinet privé.
1907 : Il devient éducateur dans une colonie de vacances pour enfants juifs.
1908 : Il fait la rencontre de Stefania Wilczynska qui souhaite, comme lui, fonder un lieu de vie pour les enfants pauvres.
1912 : Janusz Korczak devient directeur de la maison de l’orphelin « Dom Sierot ».
1919 : Inauguration de « Nasz Dom » (Notre Maison), un orphelinat pour les enfants pauvres à une vingtaine de kilomètres de Varsovie.
1922 : Publication du roman jeunesse « Le roi Mathias 1er ».
1942 : Il meurt au camp d’extermination de Treblinka avec l’équipe pédagogique et les enfants de la Maison de l’orphelin.

Pour aller plus loin :
Le droit de l’enfant au respect, Janusz Korczak, Fabert, 2017
Comment aimer un enfant, Janusz Korczak, Robert Laffont, 2006
Le roi Mathias 1er, Janusz Korczak, Fabert, 2012
Avoir raison avec… Janusz Korczak, un podcast France Culture réalisé par Louise Tourret
Janusz Korczak, Comment surseoir à Ła violence ? Philippe Meirieu, PEMF, 2001
Janusz Korczak, L’amour des droits de l’enfant, Jean Houssaye, Hachette Education, 2000