Le respect, un grand mot pour les tout-petits : citoyenneté et souci d’autrui
Depuis quelques années, on remarque en France que les relations sociales entre enfants ne cessent d’évoluer. Malheureusement, on observe de plus en plus, de gestes pulsionnels entre enfants (coup de pied, gifle, morsure…), que ce soit au sein de la fratrie, des établissements accueils jeunes enfants, ou des écoles. Amélie Estienne, EJE autour du monde, nous retrace ses observations et réflexions au fil de son voyage en Namibie, et décrypte pour nous la notion de respect à hauteur d’enfant.
Vous vous demandez certainement mais est ce que le tout petit de moins de 3 ans est en capacité de considérer l’autre ?
C’est donc tout naturellement que j’ai pris le temps en Namibie d’observer les relations entre enfants dans différentes structures de « pré primaire » (2 à 4 ans), et dans les villages (11 mois à 7 ans). A ma grande surprise, je n’ai vu aucun geste pulsionnel au sein des établissements malgré les moments de frustrations pour le coup … universels ! Pensant à tort que ce pays était toujours sur des priorités de sécurité et d’hygiène, j’ai pu constater leur grande avancée en terme de réflexion autour du respect.
Ce que l’on définit comme le respect c’est « le sentiment qui porte à accorder à quelqu’un de la considération » (source : le Robert).
Sept notions récurrentes sont abordées auprès des enfants dans les structures : la fiabilité, la responsabilité, la l’intégrité, le souci d’autrui, l’équitabilité, la citoyenneté et bien sur le respect.
Comme me l’a expliqué une éducatrice, les six premières notions sont en lien avec l’apprentissage du respect.
Ici, nous allons développer deux facettes menant au respect :
La citoyenneté
Il s’agit de l’esprit de citoyenneté avec des valeurs humaines. L’idée pour les parents, professionnels, est ici d’accompagner l’enfant de manière à ce qu’il trouve une place au sein de la famille, ou d’un groupe.
Lors de mes rencontres en Namibie, j’ai pu voir des supports concrets créant des occasions d’intégration. En voici quelques exemples :
- Créer un rituel de début de journée, où chaque enfant est accueilli par un autre par un sourire, un câlin, un bisou, un check… . Pour accentuer sur le respect d’autrui, c’est bien celui qui reçoit le geste bienveillant qui choisit ce qu’il veut. Le refus total est bien sûr à respecter également. Pour les plus petits nous pouvons tout à fait adapter cette idée en formalisant ces propositions par des photos représentant l’action, il peut ainsi montrer facilement ce qu’il veut.
- Créer des moments relationnels par rituel, jalonnant la journée, où deux acteurs (enfant-enfant ou adulte-enfant) choisissent ce dont ils ont envie (idem par des images à disposition). Cela peut être un temps de lecture à deux, un moment de partage avec un ballon, un temps pour se brosser les cheveux…
L’idée est d’inscrire dans l’esprit de l’enfant par l’expérience, toutes les relations socialement acceptables et respectueuses. Une parenthèse ici cela demandera donc aussi à l’adulte d’expliquer la possibilité de refus de l’autre, et l’importance de respecter cela.
On peut aussi additionner à ces temps, des expériences en lien avec des situations spontanées du quotidien :
- Un bébé qui, lors du repas, attrape le gâteau des autres enfants, ne serait-il pas intéressant de lui donner le paquet pour qu’il distribue les gâteaux à chacun ?
- Un enfant qui a su attendre que l’adulte ait fini le câlin avec un autre enfant pour venir dans ses bras, n’est ce pas là l’occasion de pointer cette attitude respectueuse? La parole positive fait partie intégrante des facettes de la citoyenneté.
- Un enfant qui sans cesse va prendre les habits des autres enfants, ne serait-il pas intéressant de le solliciter au levée de la sieste des enfants pour qu’il aille chercher les habits des autres enfants et leur apporter ?
Face à ce dernier exemple, vous vous dites peut-être « Ouhla crise en vue ! Quels enfants seraient d’accord que l’on touche à ses affaires, ça ne marchera jamais… ». Mais là aussi le fait de ne pas faire vivre ses expériences n’est-ce pas un frein lié à la culture française ? Et si l’enfant expérimentait très tôt le respect à travers cet entraide, ne développerait-il pas ce « Citizenship » ? Mais on est d’accord pour que cela fonctionne n’attendons pas que l’enfant ait 2 ans, et ne nous freinons pas dans nos théories développementales où l’enfant de moins de 2 ans ne serait pas capable…
Le souci d’autrui
Il s’agit d’une autre valeur mise en avant, celle du souci d’autrui. L’idée est de sensibiliser l’enfant sur le besoin d’autrui (de l’adulte ou d’un enfant) par le biais de l’observation.
L’observation, un outil inné chez l’enfant pour répondre à ses propres besoins. Si, en tant qu’adulte nous l’aidons à tourner ses observations en direction d’autrui, nous l’influençons inévitablement à sortir de sa phase « égocentrique » développementale.
Concrètement comment s’y prendre ? L’idée sera de questionner ouvertement la situation devant l’enfant :
- Quand un enfant pleure > « Tiens pourquoi pleure t’il ? A-t-il faim ? A-t-il soif ? »
Précision ici, plus l’enfant est novice dans ces expériences, plus, il aura besoin d’être guidé dans la réflexion et donc avoir plus d’éléments : « Je vois qu’il tient sa bouche… A-t-il mal au dent ? A-t-il besoin d’un anneau de dentition ? Qu’en penses-tu ?»
- Quand on a envi de se moucher « Oh mon nez me gêne, j’ai besoin de me moucher… Mais je n’ai pas de mouchoir… »
- A la fin de l’activité jeu d’eau, quand on veut provoquer la réflexion autour d’un manque : prévoir 2 serviettes pour 3 enfants (choisissez bien la saison ) et verbaliser le besoin du 3eme enfant auprès des 2 autres enfants pour qu’ils se sentent concernés dans la réflexion : « Oh tu aimerais te sécher avec une serviette toi aussi ? ».
Vous pouvez également profiter des temps forts de la journée pour mettre l’enfant dans une place de « caring » : le faire participer à la distribution du goûter pour les bébés, le laisser aller dans le dortoir des bébés pour allez redonner un doudou tombé en dehors du lit, le laisser faire une démo d’un pipi au pot (pour rappel la pudeur est une notion induite par l’éducation ).
En conclusion, j’ai, grâce à ces visites, pu constater que oui les expériences relationnelles positives autour d’un apprentissage de respect d’autrui sont possibles dès le plus jeune âge. Et finalement plus l’enfant expérimente tôt cela, plus il sera en capacité rapidement d’être en relation avec autrui de manière respecteuse ! Bien sûr en fonction de son niveau d’expérience relationnel, l’adulte (parent, professionnel) modulera sa proposition. Je suis maintenant intimement convaincue que plus on propose tôt des expériences sociales respectueuses à l’enfant, plus il les intégrera en automatisme.
Gardons en tête aussi, pour que l’enfant puisse tirer un apprentissage de ces expériences, il faut qu’il puisse les expérimenter très régulièrement et sur du long terme. Rituels, projet pédagogique peuvent vous aider à tenir le rythme !
Pour découvrir les autres notions de respect, lire l’article suivant